Projets associés
Accompagner la mise en réseau, la documentation et le partage des savoirs et savoir-faire entre lieux et collectifs de co-création en céréales locales
2022-2025Contexte
La guerre en Ukraine met en péril la sécurité alimentaire de nombreux pays importateurs de céréales, faisant du blé une arme géopolitique au même titre que les énergies. Une reconfiguration européenne des zones de production est en train de s'opérer, mettant les agriculteurs français au cœur d'enjeux forts de stratégie alimentaire. Dans ce contexte, le retour à un modèle productiviste agro-industriel n’est pas une fatalité. Les résultats du projet de recherche action participative Activa-Blé (2018-2022), soulignent un foisonnement croissant d’initiatives territoriales et de vraies raisons d’encourager le développement de filières céréales locales basées sur des modèles de coopération, avec des agencements singuliers d’acteurs en jeu, depuis la production de semences jusqu’à la livraison des produits. Trois modèles organisationnels fréquents se détachent : les modèles intégrés (ex. : paysan-meunier-boulanger), co-gérés (ex. : SCIC de production de pâtes) ou partenariaux (ex. : contrats d’approvisionnement entre producteurs, meuniers et boulangers, co-portage d’une marque ou d’un référentiel) qui révèlent des niveaux contrastés d’intégration et se distinguent par leur modèle de gouvernance, la nature des coopérations entre acteurs et/ou leur engagement dans le choix des matières premières. A côté et en complémentarité de ces trois modèles, nos travaux exploratoires sur le projet Compétences et sur les tiers-lieux nourriciers nous ont permis de relever l’apparition d’initiatives collectives de co-création de connaissances et d’innovations autour des céréales locales. Ces dernières n’ont pas pour vocation première la vente de produits alimentaires, même si elles peuvent porter en leur sein, coopérer ou soutenir des projets de filières céréales locales. Elles se rejoignent, par contre, par la même volonté de rassembler une diversité d’acteurs pour inventer des réponses nouvelles aux besoins alimentaires locaux dans une perspective agroécologique. Elles s’inscrivent plus largement dans un mouvement international de remise en question du modèle traditionnel de production des connaissances (spécialisé, linéaire) et de développement d’un nouveau paradigme, transdisciplinaire, horizontal, de co-production de connaissances et d’innovations plus adaptées pour répondre aux enjeux de durabilité (Mauser et al., 2013). Ce paradigme, étudié par les Science and Technology Studies, notamment, (Callon et al., 2015) et qui renvoie en particulier au vaste champ de travaux sur l’innovation distribuée, se renforce dans la période récente en s’enrichissant des travaux menés sur les living labs, tiers-lieux, FabLabs et autres dispositifs de co-création (Suire, 2016). Dans le domaine de l’agriculture et de l’alimentation, les exemples portent toutefois surtout sur les living labs entre praticiens experts de l’agroécologie et représentent peu les dynamiques de co-création impliquant des citoyens dans la transition territorialisée des systèmes alimentaires (Gamache et al., 2020).Céréalocales propose d’enrichir ce champ de travaux à des fins de production de nouvelles connaissances et de ressources opérationnelles pour les porteurs de projet de dynamiques de co-création. Ce projet ne s’intéresse pas directement aux dynamiques de relocalisation de filières céréales, mais à la capacité des lieux, initiatives et collectifs de co-création en céréales locales à amener, petit à petit et en profondeur, un changement de regard sur les pratiques, les métiers et les modèles d’organisation pour tendre vers des productions de céréales plus résilientes aux aléas, des technologies moins dépendantes des ressources non renouvelables et plus respectueuses de la qualité des matières premières, des modes de commercialisation moins impactants sur l'environnement, tout en renforçant le lien social, pour des produits sains et durables, en phase avec les évolutions de la société. Le travail de recensement et de rencontre avec des collectifs de terrain que nous avons entrepris depuis 6 mois (cf. § terrains d’étude), nous a permis de cerner leurs spécificités et complémentarités, et la diversité des réponses apportées, comme la mise à disposition d’espaces de co-création ou d’outils de transformation et de démonstration itinérants, l’organisation de rencontres, d’ateliers participatifs et de formations, la mise en place de réseaux d’échanges et l’expérimentation collective de nouvelles formes de partage (gouvernance, connaissances...).
Objectifs
- Analyser selon une grille commune le rôle et le fonctionnement de plusieurs lieux ou réseaux de co-création en France associant producteurs, transformateurs, citoyens, élus, chercheurs, associations d’éducation populaire... et leurs contributions au renouveau des métiers et des organisa tions autour de la production, de la transformation et de la consommation de produits à base de céréales dans une perspective agroécologique et de transition des systèmes alimentaires, ainsi que leurs défis et questionnements.
- Mettre en lien ces initiatives, partager les données recueillies et soutenir, stimuler les échanges de savoirs et savoir-faire en mobilisant les expertises spécifiques de chacun (conservation des blés paysans, fabrication de moulins, mouture sur meule de pierre, microbiologie des levains, fabrication de pains riches en nutriments et pauvres en gluten, organisation d’ateliers participatifs impliquant les citoyens...).
- Définir les conditions et les modalités de documentation contributive des savoirs et savoir-faire existants au sein de ce réseau, en réponse aux défis et questionnements des parties prenantes, sous des formats variés (rencontres thématiques, territoriales et de débat virtuelles et présentielles pour favoriser les échanges entre pairs)
- Élargir le cercle des échanges, structurer une communauté de contribution hétéroclite réunie autour d’une plateforme web et d’ateliers pour collecter un ensemble de données open source contextualisées liées à des co-innovations repérées dans les territoires/collectifs et susciter le débat.
- Indexer sémantiquement les données disponibles et collectées et construire un premier prototype d’open data collectivement alimenté et géré (dans le respect du RGPD) en soutien aux porteurs de projet pour favoriser l’essaimage et le co-développement d’actions dans un esprit de réciprocité à cultiver.